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Le temps précieux de la fin

Dernière mise à jour : 27 mai

Suicide assisté ou aide à mourir, les mots sont différents pour une seule et même réalité.

Mon objectif en écrivant ce post n'est pas de convaincre, mais je veux juste dire mon expérience, telle une matière à réflexion. Cette réalité que j'ai vécue et traversée il y a quelques années fut une expérience fondatrice.


Mon frère Nico de 3 ans mon ainé avait une maladie psychique, une schizophrénie paranoïde.

Mes relations avec lui étaient tendues, trop souvent douloureuses, entre rejet, incompréhensions mutuelles, son déni de la maladie, ses refus du traitement qui avaient pour conséquences l'agressivité, les décompensations et hospitalisations…

Tout dire de ces années serait inutile, cette maladie qui me faisait peur prenait encore et encore le dessus sur lui, et nous étions régulièrement en rupture de liens…

Malgré tout, notre relation ne s'est jamais coupée totalement.


Le corps médical -quand Nico s'en laissait approcher- s'attachait à ses souffrances psychiques uniquement. Elles prenaient tellement de place…


Et le cancer qui le rongeait a été détecté bien trop tard.


Il avait 47 ans quand nous avons appris que ses jours étaient comptés, le stade de sa maladie étant beaucoup trop avancé pour tenter un traitement! Le choc !


Face à cette réalité, deux options nous semblaient convenables :

  • Aller le visiter à l'hôpital tout au plus une heure par jour,

  • Ou l'accueillir au domicile familial pour l'accompagner, vraiment, pleinement.



Le choix de la deuxième option engageait toute la famille, mon époux et nos quatre enfants, grands ados et presque adultes.

Chacun a répondu oui. Oui avec la peur au ventre à la pensée de ce qui allait se passer. En effet, beaucoup de souvenirs grinçants avec Nico ajoutés à la proximité de sa mort inévitable ne rendaient pas la décision facile!

Et en même temps, cette décision était motivée par notre désir commun d'apporter "un peu" d'humanité à ce frère, beau frère, oncle qui n'a pas été épargné par la vie.

Nico a beaucoup souffert de sa différence, et de solitude aussi, tellement!

Cela faisait sens de lui apporter de l'amour. Juste de l'amour pour les derniers instants si précieux de la fin de sa vie. Il me semble que c'est là l'essence, l'essentiel.


Et nous l'avons fait. Cela a duré une semaine. Ca aurait pu être plus long, nul ne pouvait prévoir.

Huit jours de présence auprès de lui, de regards échangés, de paroles posées, de pardon offert, de demande de pardon accueillies, de prière aussi avec lui et sans lui. Nous nous sommes relayés à son chevet. Et les soins spécifiques étaient donnés par les équipes du service d'HAD* et de l'unité mobile de soins palliatifs.

Ce fut une expérience bouleversante. Douloureuse bien sur. Et guérissante aussi. Rédemptrice pour lui qui s'est senti aimé comme jamais, je veux le croire. Il s'est éteint un matin alors que j'avais passé la nuit à coté de lui, tenant sa main dans la mienne.


Rédemptrice pour nous, pour moi. Je sais que ses moments de proximité ont permis un profond apaisement intérieur. J'étais à ma juste place.

Ce que nous avons voulu lui exprimer en l'accompagnant ainsi dans ces derniers jours réside dans ces mots " Tu es important Nico, tu comptes pour nous et nous t'aimons. "


Et expérimenter cela en acte, c'est restaurer la relation à l'autre, à soi, au monde.


Je sais aussi que chacun fait comme il peut, avec son histoire, son aujourd'hui, son agir et son être. Et que celui qui part, qui va mourir reste maître de ce qu'il désire recevoir et partager.


Parler de mon frère ici, c'est lui rendre hommage.

Parler de ce sujet ici, à l'aube de compléter ma formation à l'accompagnement de la fin de la vie, est ma réponse aux questions légales qui se posent aujourd'hui.


Je crois que chaque personne est infiniment digne et que la fin de la vie est une étape qui ne doit pas être niée. Un sens peut germer.

Pour celui qui part. Pour ceux qui restent.

Cela n'enlève pas le douleur de la perte, du deuil, mais permet de l'aborder avec les deux pieds ancrés dans la réalité, et d'avancer plus vite sur ce chemin de deuil qui jalonne toute vie.


Je fais le vœu que chacun puisse demeurer digne dans notre commune humanité. Et mourir en vie.





Le titre d'un ouvrage écrit par J. Monbourquette: le temps précieux de la fin.





=> Je suis Marie Prousel, et j'accompagne la personne afin qu'elle puisse se guérir de ses blessures intérieures, et retrouver la paix. En alliant la psychologie et la spiritualité.





2 Comments

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Guest
May 27
Rated 5 out of 5 stars.

Merci Marie de ton témoignage qui me touche au coeur !

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Guest
May 27
Rated 5 out of 5 stars.

Merci bcp et Bravo Marie pour ce témoignage aussi touchant qu'intime, et qui résonne tant aujourd'hui ...

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